Pèlerinage au Maroc - Janvier 2019
Le Seigneur m’a guidée sur le chemin où je marchais (Is 48,17)
Témoignage de Claire Traverse
Le Mont-Saint-Michel – Algésiras – Tanger – Midelt – Taouz
Jeudi 24 janvier 2019, 4h45 du matin, nos voix enrouées résonnent dans l'oratoire Charles de Foucauld pour cette première messe de pèlerinage chez les Frères de Jérusalem du Mont saint Michel.
A la fin de la messe, sœur Claire, Pierre-François, Philippe et moi recevons la bénédiction des pèlerins par le Père Olivier. Le pélé au Maroc peut commencer ! Yallah !
Dans le même temps, un deuxième groupe constitué de Frère Fabien-Marie, Sœur Faustyna, Marie, Anne-Sophie, Clément, François-Xavier et Gaëtan se mettent en route depuis Rambouillet.
C’est à Bordeaux, après avoir récupéré Mathilde à Nantes, que nous nous rencontrons tous ensemble avec impatience pour partager le déjeuner.
Gagnée par l’envie mêlée à l’excitation de faire connaissance avec toutes ces personnes que le Seigneur a mises sur ma route, nous repartons finalement bien vite, plus de 700 kilomètres nous attendent encore jusqu’à notre point de chute espagnol Robledo de Chavela pour la nuit.
Le lendemain, nouveau départ matinal pour respecter notre timing serré d’être à Algésiras dans l’après-midi pour prendre notre ferry direction le continent africain.
Une fois tous embarqués, nous laissons le rocher de Gibraltar derrière nous et faisons un pas (un sillage) de plus vers ce pèlerinage au Maroc plein de promesses puisqu’il se veut « Sur les pas de Charles de Foucault et des bienheureux martyrs de Tibhirine ».
A Tanger, nous récupérons Cécile, expatriée en Irak qui sera avec nous durant le pèlerinage.
Le soir, ou plutôt le lendemain matin très tôt, après de longues routes interminables, nous parvenons au monastère cistercien Notre Dame de l’Atlas à Midelt et sommes accueillis, malgré l’heure tardive et le froid ambiant, par le frère Nuno, d’origine portugaise.
Nous rendons grâce tous ensemble dans une petite chapelle du monastère pour être arrivés sans encombre dans ce rare lieu chrétien sur terre d’Islam. Ce monastère abrite depuis 2000 une petite communauté de moines trappistes, issue de Tibhirine en Algérie. Les deux survivants à l’enlèvement des frères de Tibhirine, père Amédée (décédé en 2008) et père Jean-Pierre ont rejoint cette communauté.
Déjà le troisième jour, et nous partons une nouvelle fois aux aurores pour rejoindre Taouz en vue du grand départ dans le désert marocain. Nos deux véhicules de type van, sont devenus de vrais petits sanctuaires mobiles : nous prions ensemble la liturgie des heures, le chapelet, et louons aux airs de l’Emmanuel, du Chemin Neuf ou de Glorious. Egalement quelques lectures thématiques rendent la route moins longue.
Arrivés à Taouz, nous voilà accueillis par nos guides Berbères et simultanément nous posons le pied sur la terre battue ocre, ensablée, les rayons du soleil qui dépalissent nos joues. Nous nous mettons rapidement en route pour moins de 3h de marche, avant que le soleil ne se couche. Nous progressons à bon rythme sur l’erg noirci, ça y est, c’est le moment de lâcher nos chaines, préoccupations ou inquiétudes, qui nous mènent la vie dure en France.
A nous de jouer : descendre dans la profondeur de notre âme, nous alléger, se rendre disponible et à l’écoute… de l’autre, mon prochain, et de Dieu. La Lectio Divina jusqu’au dernier jour du pélé nous y aidera.
Les soirs dans le désert sont festifs :nous goutons autant à la joie de la fraternité du groupe qu’aux bonnes spécialités marocaines préparées par les Berbères pour nous. Cette joie de la simplicité des rapports humains, de la richesse des rencontres, de côtoyer une culture différente de la nôtre, de l’effort physique, des chants de louange, de la liturgie des heures et des messes vécues fraternellement sous le décor improbable du désert marocain, des innombrables fou-rires, des petits services rendus entre nous, de vivre chaque moment sachant qu’à l’instant d’après il rejoindra les souvenirs inoubliables de ce pèlerinage, ne m’a pas quittée du voyage.
Merci Seigneur pour la saveur de chacun de ces instants ! Quelle grâce également d’expérimenter la rencontre avec le Christ dans le silence fertile de la marche, dans les visages de mes compagnons de dunes, dans la générosité et l’hospitalité de mes hôtes !
Après trois jours dans le désert, trois jours à contempler la Création, les quelques petites fleurs, signes de vie dans ce paysage désertique unique, les déambulations de dromadaires, nous repartons du désert sur les toits du 4X4 des Berbères et nous nous remettons en route vers Midelt.
Au monastère pour 2 jours, nous rencontrons frère Jean-Pierre, seul survivant actuel de Tibhirine qui nous fait le récit chronologique de son parcours, sa vie fraternelle à Tibhirine, l’après-Tibhirine et la vie qu’il mène à Midelt.
Nous rencontrons aussi des sœurs franciscaines missionnaires de Marie qui vivent à quelques pas du monastère.
De tous ces témoignages en ressortent d’extraordinaires exemples, des pépites du (bien) vivre ensemble entre chrétiens et musulmans à Midelt et ses environs.
Nous percevons également que la frontière entre le vivre ensemble et l’accusation de prosélytisme est très ténue et que la vigilance pour ne pas tomber dans le deuxième est permanente tant la menace est présente. Mais c’est l’Espérance avant toute chose qui ressort de ces entretiens.
C’est le dernier jour à Midelt avant le retour en Espagne puis en France.
Assise sur le rebord de la clôture du monastère, avec vue sur les monts du moyen Atlas à droite et les toits de Midelt à gauche, je rédige quelques cartes postales du monastère, tentant de résumer ce pèlerinage en quelques lignes seulement, mais une seule aurait suffit : Le Seigneur m’a guidée sur le chemin où je marchais (Is 48, 17).